Introduction au design : la méthode BOLRADIME (1/3 : B,O)
Design #2 : méthodologie 1/3
Le titre exact devrait être "Plantation d'un pré verger multi étagé à base de pommiers kazakhs, issu des principes de la permaculture dans le cantal", mais j'ai trouvé ça trop long.
Au confins du Kazakhstan, au fond à droite vers le Kirghizstan, se trouve un massif forestier unique au monde, protégé depuis des millénaires par des montagnes infranchissables. L'étage dominant (la canopée) est constitué principalement de pommiers, clairsemés sur les crêtes, plus denses dans les fonds de vallées où il peut atteindre trente mètres de haut! Les étages inférieurs sont constitués de plantes pratiquement toutes comestibles : aubépine, prunier, abricotier, rose, vigne, argousier, framboisier, rhubarbe, etc. Berceau du mythe du Jardin d'Eden?
Autre chose, nos amis les ours ont fait un travail admirable de sélection des variétés fruitières les plus intéressantes gustativement, en particulier sur les pommiers : certains de ces pommiers sauvages peuvent produire des fruits savoureux avec un calibre rivalisant avec des variétés commerciales ! Attention cependant aux sirènes, seulement 10% de ces pommiers géants ont une valeur gustative véritable! Leur intérêt peut être ailleurs...
Le malus sieversii (car il s'agit bien de lui) en tant qu'ancêtre de nos pommes actuelles est un réservoir génétique extraordinaire, en particulier pour des gènes de résistances aux maladies (tavelure en particulier). Dans le cadre d'un changement climatique ultra rapide et d'effondrement de la biodiversité, la diversité génétique est un gage de résilience fondamental. Peut-être, ces malus sieversii sauveront-ils nos pommiers des modifications qui se profilent?
Structure
Les bandes de plantation (90 mètres linéaires) seront organisées sur les pentes des baissières, ce qui autonomise l'irrigation. En plus de l'eau de pluie et de ruissellement, l'eau du ruisseau en amont peut remplir également les baissières, grâce à un bief existant depuis des siècles sur le terrain. Reliées entre elles par une voie de débordement, l'ensemble des baissières peut être rempli en 1h environ.
On peut définir cette structure agro-sylvo-pastorale comme un "pré-verger multi-étagé". Pompeux mais classe.
Pré-verger car les bandes enherbées entre les baissières (9m de large environ) serviront de production de mulch pour les buttes (première coupe) et ensuite de pâture pour nos brebis tout le reste de l'année.
Structure multi-étagée : comme dans la nature (et comme expliqué dans cet article "Vers la forêt comestible"), on va imiter la structure multi-étagée de la forêt. Nous nous baserons sur un postulat de 5 étages complémentaires. Pour chaque ligne de plantation, nous aurons donc :
Nous avons 3 baissières de 30 mètres, chacune sera plantée avec des séquences et des essences différentes, dans l'idée de mettre un minimum d'ordre dans ce faux chaos.
Il y aura 2 lignes de plantations sur la butte, la dernière, côté sud, sera surtout constituée de vivaces.
Les malus sieversii seront assez espacés : 9 m sur la bande et autant entre les bandes. Ils sont en effet légèrement vigoureux...
Chaque formation végétale est un véritable organisme en lui-même. Les interactions entre toutes les espèces (végétales, animales, comme fongiques) sont incroyablement complexes, tant au niveau de l'assimilation des minéraux, des hormones, de la résistance à la sécheresse, de la sélection naturelle etc. Ces interactions donnent le tournis et font montre de l'extrême complémentarité des plantes spontanées. Encore un exemple, s'il en faut que la monoculture est une aberration agronomique.
Les relevés des plantes sauvages les plus souvent présentes dans les forêts kazakhs autour des malus sieversii donnent ceci :
Je m'arrêterais ici car ce sont les 8 espèces les plus présentes. A cela on peut néanmoins rajouter une diversité incroyable de poiriers sauvages (pirus com. subs piraster, subs cordata, pirus malus -notre poirier sauvage-, et sa sous-espèce subs silvestris, pirus amygdaliformis).
Qu'est-ce que ça veut dire? Que toutes ces plantes ont un rôle fondamental à jouer pour malus sieversii, et l'inverse est également vrai. Lequel, on ne sait pas encore...
Il y a donc tout intérêt à se rapprocher de la formation végétale originelle du pommier kazakh pour optimiser sa croissance et son rendement.
J'ai beaucoup de chance car il se trouve que mon lieu correspond en bien des points à ce listing végétal : c'est -excepté le poirier commun- la liste des plantes les plus représentatives autour du verger ! Un hasard ? allons donc...
L'idée est également d'adapter un peu cette formation végétale avec des essences plus "comestibles", tout en conservant bien sûr les familles, par exemple :
Pourquoi s'arrêter là? allons encore plus loin : comme déjà expliqué dans "Vers la forêt comestible", la Nature est bien faite et l'on trouve quasi-systématiquement des associations végétales spontanées ayant des fonctions complémentaires, c'est ce qu'on appelle les guildes.
Ces dernières doivent comprendre :
La plupart des vivaces seront plantées dans un 2ème temps, il me reste encore pas mal de multiplication et de récupération par-ci par-là.
C'est donc l'étude de ces 3 patterns différents (guides de plantes, étagements respectifs et phytosociologie) qui ont abouti à un plan de plantation spécifique et orienté autour du pommier kazakh.
Remarque : Il s'agit ici du plan de plantation concernant uniquement les arbres et arbustes à fruits.
Une autre bande de 50 mètres de long, bordant le pré du voisin a également été plantée ce jour-ci selon le même principe : cerisiers/pêchers de vigne/sureaux/framboisiers.
Il me reste à faire le compte des manquants et passer mes dernières commandes pour le printemps.
C'est grâce au coup de main salvateur d'amis cantalous, aveyronnais (et même moins locaux) rassemblés autour d'un magnifique dimanche de janvier que ces plantations ont été réalisées. Un grand merci encore pour cette belle journée, avant-goût prometteur de liens solides en construction !
Un grand merci aussi à Hervé, agronome "chercheur atypique", poète et optimiste à toute épreuve pour toutes les petites graines qu'il met en terre et qui seront peut-être, qui sait, les futures forêts fruitières de demain !
Sources :
http://benjamin.lisan.free.fr/projetsreforestation/Fiche-presentation-Malus-sieversii.pdf
http://www.formationsbio.com/sites/default/files/files/origine-de-la-pomme.pdf