Sècheresse : Penser le changement ou changer le pansement ?
Sècheresse : Penser le changement ou changer le pansement ?
Préambule : cet article date de près de 10 ans désormais. Nous étions dans les débuts de la permaculture "grand public" en France (toujours en avance, l'hexagone... ). Le contexte est intéressant car cet article a été de loin le plus lu et relayé à l'époque, tant il était d'avant-garde. Il est désormais semble-t-il un peu "désuet" devant la prolifération d'articles et de vidéos. Mais trop d'info tue l'info : c'est pourquoi je le laisse à disposition car les bases sont là, et le reste peut sembler superflu. En revanche, je met le lien ici de l'article "le doute m'a butte", bien plus récent, qui est en quelque sorte une mise à jour de ce dernier. Avec un retour de plusieurs années d'expériences sur les buttes.
On les voit fleurir un peu partout, elles représentent une vraie révolution dans notre relation au sol et notre façon de cultiver. Symboles par excellence de l’agroécologie mais surtout de la permaculture (avec la poule), elles n’en sont pourtant qu’un élément parmi d’autres. La butte de permaculture représentent l’antithèse du jardin à la papa : un espace riche et vivant, résistant à la sécheresse, à l’excès de pluie, un espace multidimensionnel extrêmement productif qui peut même être auto-fertile. L’observation et l’imitation de la Nature nous ouvre de nouvelles portes délivrées du travail du sol, des intrants chimiques et du pétrole, pour une agriculture non plate, non linéaire, vivante et qui crée de la fertilité. Explications.
C’est Emilia Hazelipp qui semble avoir importé la culture sur butte en France. S’inspirant des travaux de Fukuoka (et oui, encore lui) et de Marc Bonfils, elle a créée ce qu’elle appelle les jardins « synergétiques » : sous forme de buttes, sans travail du sol, systématiquement recouvert de paille, des « chemins de culture » aux formes rondes et serpentiformes ou gambades joyeusement une armée de canards coureurs se délectant des limaces.
Mais quels sont les avantages de cette culture étrange qui demande pourtant un gros travail de mise en place?
– limiter l’enherbement,
– limiter l’évaporation de l’eau et donc de presque supprimer l’arrosage (hors plantation bien sûr),
– fournir régulièrement tout au long de l’année la fertilité à la butte par humification (décomposition par la faune du sol) de la couche de mulch,
– protéger cette fameuse microfaune et son cortège de bactéries, champignons et autres arthropodes du gel, du soleil, du dessèchement et de l’érosion. La terre reste humide et meuble.
Robert Morez, ingénieur agronome est un ancien du CIEPAD (Carrefour international d’échanges de pratiques appliquées au développement), et un pionnier de l’agroécologie. Il a notamment beaucoup travaillé à l’internationale avec Pierre Rabhi. J’ai eu la chance d’être son étudiant à Terre et Humanisme sur le thème des buttes autofertiles.
Le principe vient de la vitesse de décomposition et de la nature des éléments produits lors de la décomposition de différentes couches. Il en résulte un effet « starter » assez impressionnant ainsi qu’une fertilité très importante pendant plusieurs années, due à la dégradation des éléments plus grossiers. Elle peut durer jusqu’à 4 ans.
On veillera au départ a installer plutôt des plantes exigeantes (solanacées, courges) pour optimiser les premiers temps d’hyper-fertilité! En voici la recette :
Et ne pas oublier le sel : entre chaque couche, saupoudrer un peu de cendres ou de terres (matières minérales, poudre d’os, …)
Résultat : une forte économie d’eau, une forte production. Le sol retrouve son niveau original après quelques mois (voire années).
La réalisation d’une butte autofertile le long des courbes de niveau en direct de chez moi, et tout ça en 51 secondes :
A ne pas confondre avec les buttes en « lasagnes » (ou lasagna bed), peut-être plus courantes, qui sont une juxtaposition de couches d’éléments riches en carbone (foin, feuilles sèches, BRF) et d’éléments riches en azote (tonte de pelouse, déchets de cuisines, feuilles vertes). Le principe est sensiblement le même (auto fertilité, paillage en carton) mais est plus rudimentaire.
Voir le livre de Jean Paul Collaert « L’art du Jardin en Lasagnes«
Ici, la fertilité de la butte de permaculture est délivrée carrément par des troncs, branches préalablement coupées quelques mois ou années auparavant. Les nutriments organiques sont délivrés ici par de gros éléments qui mettront plusieurs années à se décomposer. On peut dire qu’on est là dans du vrai « durable ». Au fur et à mesure que les troncs vont se décomposer, les racines des plantes au-dessus vont s’implanter plus profondément dans la butte pour y puiser toujours plus d’éléments fertiles.
Avec un peu de chance (ou d’insémination de spores) on peut même avoir des champignons en même temps que les légumes!
Attention de privilégier du bois déjà bien décomposé car on risque une faim d’azote carabinée (les aficionados du BRF connaissent ça très bien).
Un très bon site en anglais (mais avec des zolis photos et des croquis :)) pour expliquer cette technique : http://www.richsoil.com/hugelkultur/
Le grand vulgarisateur de cette technique est Sepp Holzer l’autrichien. Ce sont chez lui plusieurs hectares en montagne qui sont cultivés et aménagés par cette technique. Je ne saurais que trop conseiller ses excellents ouvrages. Il est de loin un de mes mentors, un autodidacte pragmatique. Un vrai terrien pour qui la tête et les mains sont indissociablement liés...
Donc, avec tout ça, plus de questionnements : donnons du relief à nos jardins!