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L'écriture de billets de blog est l'ADN de Prise de Terre  depuis bientôt 15 ans  :

 

  • articles de fonds,
  • techniques,
  • retours d'expériences,
  • réflexions, partages divers,

 

C'est une quantité non négligeable de contenus originaux, une base solide pour comprendre les fondamentaux et bien débuter en permaculture et agroforesterie. 

 

Les posts furent également le préalable à la rédaction du livre "Cultiver dans le monde de demain" !  Nous partageons également sur les réseaux sociaux, suivez-nous !

Introduction au design : la méthode BOLRADIME (1/3)

30/03/2024

Introduction au design : la méthode BOLRADIME (1/3)

Le terme "Design" est un anglicisme difficile à traduire en français. En effet son sens premier est "dessin" comme en français : " Le but premier du design est d'inventer, d'améliorer ou de faciliter l'usage ou le processus d'un élément ayant à interagir avec un produit ou un service matériel ou virtuel". Mais son deuxième sens, inexistant en français est également "dessein" : l'objectif sous-jacent du dessin, ce qu'on cherche à obtenir. C'est pour cette raison que le terme "design", bien que pompeux reste le plus juste à ce jour pour définir la conception en permaculture. Pour les anglophobes, on peux rester sur cette dernière traduction.

Après avoir développé l'objectif de la conception en permaculture ainsi que les patterns de fonctionnement du vivant, nous allons voir ensemble une méthodologie simple et efficace. Il y en a plusieurs, cette dernière me semble la plus simple et la plus complète. Cela pourra parler à certains d'entre vous car c'est l'adaptation d'une stratégie de management de projet bien connue. Bienvenue dans le cœur de la permaculture...

J'ai préféré scinder cet article en 3 pour une meilleure digestion : bon appétit !

 

La stratégie BOLRADIME

Sous cet affreux acronyme se cache une méthodologie qui va vous permettre de créer un écosystème humain résilient et productif, où les besoins des uns sont remplis par les produits ou fonctions des autres, un système le plus autonome possible, productif et résilient, fournissant des services écosystémiques et augmentant la biodiversité. On trouve parfois des variantes, car cette méthode est régulièrement utilisée, testée et améliorée par des permaculteurs du monde entier.

 

#1- Buts, objectifs :

Certaines méthodes (je pense en particulier à OBREDIM) sont intéressantes mais j'ai toujours eu une impression de manque, de "pas fini" jusqu'à ce que je découvre BOLRADIME et que je comprenne qu'il manquait justement le plus important : l'objectif de son design. Et ça change tout.

En effet : qu'est-ce que je veux ? Quels sont mes rêves, mes objectifs ? Se passer de cette question c'est être à peu près certain de se planter dans son design ou alors faire une conception centrée sur le lieu et pas sur les habitants du lieu.

Or je rappelle à toutes fins utiles que l'objectif de la permaculture est de créer un écosystème humain. La Nature en tant que telle n'a pas besoin de design, merci pour elle, en revanche l'homo sapiens qui habite le lieu, oui. Je reste toujours émerveillé par cette disposition de certains permaculteurs à faire un processus de design sans objectifs définis...

On peut commencer par la Vision, le rêve : l'idée générale, sans pour l'instant de chiffres ou de calendrier précis :

  • créer un havre pour la biodiversité sauvage

  • créer une ferme-école

  • monter un projet d'autosuffisance vivrière familiale

  • devenir maraîcher en permaculture

  • faire un élevage extensif de hérissons à paillettes ou de licornes à pois verts.

  • etc

Maintenant pour aller plus loin, il nous faut un maximum d'informations complémentaires qui nous permettrons d'affiner plus tard nos exigences de design. En effet, vos objectifs doivent être SMART (acronyme DANS l'acronyme) :

  • Spécifiques : focalisez-vous sur un objectif principal au lieu de vous noyer dans pleins de sous-objectifs surnuméraires. Cela vous aidera à avancer plus vite et prioriser.

  • Mesurables : autant que faire ce peut, on doit pouvoir donner les chiffres de ce qu'on souhaite avoir : dégager 20000 euros/an de CA, obtenir 75% d'autonomie alimentaire, etc.

  • Acceptés par tous : on ne compte plus les couples qui explosent ou les collectifs qui fondent comme neige au soleil parce que le projet final n'était pas clair pour tout le monde dès le départ ! Les tenants et les aboutissants n'ont pas tous été explicités, il y a eu des non-dits, des suppositions, voire des oublis... De l'importance d'une transparence totale dès le départ, dès l'idée même...

  • Réalistes : non, l'élevage extensif de hérissons à paillettes ou de licornes à pois verts n'est pas réaliste, désolé.

  • Inscrits dans le Temps : En combien d'années puis-je atteindre mon/mes objectifs ? Il peut être intéressant ou nécessaire d'effectuer une ventilation des travaux sur plusieurs années, avec un ou des objectifs complémentaires tous les ans. Le Design est une planification dans l'espace et dans le temps. Fini le jour-le-jour, nous planifions désormais sur le temps long.

 

A l'issue de cette première partie, vous êtes capables de décrire de manière chiffrée et étalée dans le temps précisément votre objectif personnel ou collectif. A partir de maintenant on peut sortir du brouillard et avancer dans une direction bien précise.

 

 

#2- Observation :

Un autre GROS morceau, peut-être le plus gros.

En permaculture, on part du principe qu'on va adapter nos projets et envies à notre biotope. Et pas le contraire. Ça peut sembler évident, et pourtant .... Comme l'idée n'est pas de gérer des déséquilibres ou de la pathologie végétale parce que rien n'est adapté au contexte, on va donc apprendre à connaître précisément ce contexte pour voir si nos objectifs sont déjà cohérents avec notre terroir #bonsens

 

On dit qu'il faut minimum 1 an d'observation avant d'effectuer la moindre action. En effet, il est de bon ton d'avoir fait le tour du cadran annuel pour pouvoir connaître son lieu sous toutes les saisons : des zones humides et ombragées insoupçonnées peuvent apparaître en saison froide, ou des zones très (trop) sèches se laisser découvrir inopinément.

Cette période permet aussi de se familiariser à son lieu, apprendre à se connaître mutuellement, distinguer des zones spécifiques, connaître ses voisins et co-habitants non-humains, reconnaître les ressources et les limites de son lieu.

 

Différents types d'observations, complémentaires et antagonistes :

  • l'observation analytique : tenter de comprendre, lister, détailler, se documenter, analyser le sol, le climat et toutes les interactions potentielles ou existantes.

  • l'observation sensible : marcher lentement sur le terrain, se contenter d'accueillir les sensations de froid, de chaud, de vent, de bruit, la dureté du sol, etc. En déconnectant le mental, en misant tout sur le ressenti, on obtient des informations inédites qui nous serviront pour le design.

 

Bien reprenons maintenant le contrôle de notre mental :)

Voici un principe de permaculture utile et fondamental pour ne pas se perdre dans les observations : partir du global pour aller au détail.

Le global ça peut être une photographie aérienne, une carte à petite échelle (donc grand angle), qui va nous donner les influences les plus macroscopiques pour aller de plus en plus vers le terrain, jusqu'à l'analyse fine du sol et des interactions les plus infimes. Ce principe nous permet de ne pas nous perdre dans les points à lister et nous donne une ligne à suivre.

 

Voici une liste des éléments fondamentaux qu'il vous faut connaître sur votre lieu, du global en focalisant ensuite sur les détails :

 

  • la zone climatique. Il en existe plusieurs, ont utilisera préférentiellement le classement USDA. Ces zones de rusticité sont pertinentes pour notre biorégion tempérée où elles se révèlent efficaces dans de nombreuses situations car c'est souvent les basses températures d'hiver qui conditionnent la possibilité de cultiver un végétal en extérieur. De l'intérêt de connaître les températures minimales et non moyennes.

  • Ce classement ne prend pas en compte les influences climatiques, capables de modifier le premier diagnostic ci-dessus : altitude, influence continentale, océanique, vents dominants, proximité de grandes quantité d'eau (lac, fleuve) etc.

  • on affine le topo climatique, avec des données météos, des informations chiffrées récupérées sur différents sites. Un maximum d'infos ici avec la possibilité de croiser et de comparer les datas (pratique pour voir l'évolution du climat). Attention aux vents dominants, ils peuvent changer au cours de l'année et avoir des actions différentes selon l'année (desséchant/humide/chaud/froid). Météofrance fait bien le job aussi (mais payant). Au niveau pluviométrie, ce n'est pas tant la pluviométrie annuelle que sa répartition sur l'année qui nous intéresse. Par exemple il pleut à peu près autant chez nous dans le cantal qu'en Bretagne. En revanche la répartition est totalement différente (nous avons désormais des saisons très sèches et d'autres très humides alors qu'en Bretagne ça se lisse plus sur l'année). Ce qui change TOUT au niveau des stratégies que l'on va mettre en place.

  • Au croisement de global et du détail se trouve la topographie. En effet, l'exposition va nuancer plus ou moins les observations faites plus haut : exposition nord/sud, exposition aux vents froids/chauds. Le pourcentage de pente va aussi grandement influencer le cycle de l'eau sur le terrain : ruissellement au lieu de l'infiltration, système dégradant/système aggradant.

  • L'eau, point le plus important. Sa présence/absence, sa nature, son débit va conditionner tout ce que vous allez mettre en place en terme de culture et de gestion. Où entre l'eau sur mon terrain ? Où repart-elle ? Combien de ressources en eau ? Nature ? (source, récupération d'eau pluviale, réseau, ...). Qualité potable, potentiellement polluée, impropre à la consommation, etc.

  • A ce point, on peut commencer à réaliser une analyse des secteurs pour poser certains points déjà vus plus haut. C'est une vision globale du lieu avec les informations contextuelles les plus précises possible, avec un focus sur les flux : zones climatiques, cônes visuels, accès, réseau hydrographique, course du soleil l'été et l'hiver (pour mettre l'accent sur les zones d'ombres) et toute information qu'il peut être judicieux de valoriser. Ci-dessous, l'exemple de la ferme des Escuroux :

 

 

  • Le sol : pH (acidité ou alcalinité), profondeur, texture (pourcentage de limons, argiles, sables), structure (caractérise la richesse organique de son sol), nature de la roche-mère.

  • Végétaux et groupes floristiques existants : la recherche des plantes bio-indicatrices va complémenter et préciser à merveille les informations que nous avons déjà : richesse du sol, fraicheur (ou pas), acidité, profondeur, richesse organique et/ou minérale etc...

  • Les accès : Ils sont la colonne vertébrale de votre futur système, là où circulent matériaux, énergies, humains, récoltes etc. Ils vont donc conditionner le zonage de votre terrain. Ils peuvent être existants, à améliorer, ou totalement à refaire si votre système est profondément différent de l'existant de base.

  • Les bâtiments : en général on est obligé de faire avec, ils peuvent être une ressource très importante : stockage, lieu de vie, d'élevage, récupération des eaux pluviales, création de micro-climats, culture sur les toits why not, etc.

Voici la première partie de votre travail. Elle permet de poser le plus important : ce qu'on veut et ce qu'on a. Nous allons voir dans un deuxième chapitre la pertinence entre ces deux points et donc la pérennité de votre projet sur ce lieu.